Faut-il retourner prier les ancêtres ? Réflexions sur une question de plus en plus répandue

De plus en plus, une colère profonde anime notre génération, celle des peuples africains. Une colère née des souffrances, des injustices et des humiliations que notre continent a subies au fil des siècles : la traite négrière arabe, la traite transatlantique, la colonisation, et aujourd’hui encore, la néo-colonisation et l’impérialisme moderne. Cette colère est légitime. Elle est nourrie par des faits réels, par une histoire douloureuse qui a laissé des traces visibles dans nos sociétés.

Et dans cette atmosphère de réveil des consciences, beaucoup remettent en question le christianisme en Afrique. Certains vont jusqu’à dire que c’est une religion importée par les colons pour dominer les peuples africains. D’autres affirment qu’il est temps de « retourner aux sources », de revenir aux religions traditionnelles africaines, aux pratiques ancestrales, à la prière aux ancêtres.

Mais cette réflexion mérite qu’on prenne du recul. Pas pour juger, ni pour donner des leçons, mais pour analyser honnêtement les faits et poser des questions simples, essentielles :

De quelles sources parlons-nous ? Qui sont exactement ces ancêtres qu’on veut prier ?

1. Qui sont les ancêtres qu’on veut prier ?

Beaucoup réclament un retour vers les ancêtres, mais très peu savent exactement de quels ancêtres il s’agit. Qui peut dire avec précision ce que faisaient ses ancêtres il y a trente, quarante, ou soixante générations ? Qui peut dire si ces ancêtres étaient des hommes de justice, d’amour, de vérité ? Qui peut affirmer que ces ancêtres étaient dignes d’être priés ou invoqués ?

Pendant la traite négrière, il y avait des Africains qui vendaient d’autres Africains. Oui, des Noirs vendaient d’autres Noirs. Les colons n’ont pas attaqué seuls : ils ont trouvé sur place des chefs, des rois, des commerçants africains prêts à livrer leurs frères pour des fusils, du tissu ou de l’alcool. Certains ancêtres étaient donc acteurs de cette trahison. Est-on sûr que ces ancêtres-là sont ceux qu’on veut aujourd’hui honorer par la prière ?

Il y avait aussi ceux qui pratiquaient la castration, les sacrifices humains, ou d’autres rituels cruels. Historiquement, on sait que seule une minorité d’hommes castrés survivait. Peut-être que ton ancêtre faisait partie de ceux qui tuaient, manipulaient, et imposaient la peur. Prier un ancêtre dont on ignore totalement la moralité, c’est prendre un risque spirituel énorme.

2. Retourner à quelles traditions ? Africaines ou Égyptiennes ?

Beaucoup de ceux qui parlent de retour aux sources mettent en avant l’Égypte ancienne comme modèle. Mais pourquoi l’Égypte ? L’Afrique, ce n’est pas que l’Égypte. Il y avait aussi le royaume du Kongo, l’empire du Ghana, les peuples couchites, les Mandingues, les Bantous, etc. Tous avaient leurs croyances, leurs dieux, leurs pratiques.

Et attention : ces empires ne vivaient pas en parfaite harmonie. Ils se combattaient aussi. Il y avait des conflits, des divisions, des guerres entre royaumes africains. Alors, quand on parle de revenir à une spiritualité commune, de quelle spiritualité parle-t-on ? Il n’y avait pas une seule foi africaine. Il y avait des spiritualités multiples, parfois opposées.

3. La spiritualité fait-elle développer un pays ?

Un autre argument souvent avancé, c’est que l’Afrique s’est détournée de ses traditions, et que c’est pour cela qu’elle est restée sous-développée. Certains disent : « La Chine et l’Inde se sont développées sans abandonner leurs spiritualités traditionnelles. » Mais est-ce que cela prouve que leur spiritualité est le facteur principal de leur développement ? La réponse est non.

Lorsqu’on observe bien, ce qui caractérise ces nations, ce n’est pas d’abord leur attachement aux traditions spirituelles, mais leur discipline, leur capacité à apprendre, à produire, à innover. Les Chinois, par exemple, sont des bosseurs. Ce sont des personnes qui vont emprunter, étudier les sciences, maîtriser la technologie, développer leur industrie, transformer leurs ressources. Ce n’est pas leur spiritualité qui a bâti leurs routes, leurs ponts, leurs centrales, leurs trains ou leurs satellites.

Soyons honnêtes : ce n’est pas la spiritualité qui fait développer un pays, mais le travail, l’éducation, la science, la technologie. Il faut former les jeunes, investir dans les infrastructures, valoriser les ressources naturelles. C’est cela qui fait avancer un pays.

Et si la spiritualité traditionnelle africaine était la clé du développement, alors les villages où ces pratiques sont encore très présentes seraient les plus avancés du continent. Mais ce n’est pas le cas. Beaucoup de ces zones sont marquées par la pauvreté, le manque d’éducation, l’insécurité.

De la même manière, ce n’est pas parce qu’on est chrétien ou qu’on prie qu’on se développe. Il faut travailler, apprendre, bâtir. Le développement vient de la connaissance, pas simplement de la foi.

4. Et Jésus dans tout ça ?

Nous, chrétiens africains, nous ne suivons pas une religion importée par naïveté. Nous suivons un Sauveur vivant. Nous connaissons Jésus. Nous savons ce qu’Il a fait pour nous. Il a donné Sa vie, Il a souffert, Il a été crucifié, Il est ressuscité. Il est vivant aujourd’hui.

Et Il ne nous demande pas de renier notre culture, mais de vivre selon une culture du ciel, une culture d’amour, de vérité, de justice. Jésus n’est pas le Dieu des Blancs. Il est le Sauveur du monde. Il n’est pas venu établir une religion coloniale, mais donner la vie à tous ceux qui croient.

Conclusion : Retourner à quoi, exactement ?

Le discours du retour aux ancêtres et aux traditions peut paraître beau, noble, libérateur. Mais il faut se poser les bonnes questions :

  • De quoi parle-t-on exactement ?
  • À quoi veut-on retourner ?
  • Et surtout, pourquoi ?

La vérité, c’est que ce discours naît souvent d’une blessure profonde, d’une colère contre la colonisation et ses conséquences. Cette colère est compréhensible. Mais elle ne doit pas nous pousser dans les bras d’un passé flou, dangereux, et parfois destructeur.

Ce n’est pas la prière aux ancêtres qui nous sauvera, ni une spiritualité que nous ne comprenons même pas toujours. Ce qui sauve, c’est la vérité. Et cette vérité, nous l’avons trouvée en Jésus-Christ.

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